Luc Montagnier

Luc Montagnier est un biologiste virologue français, né le à Chabris, dans l'Indre. Le , il est colauréat avec Françoise Barré-Sinoussi et Harald zur Hausen du Prix Nobel de physiologie ou médecine[2], pour la découverte, en 1983 du VIH (virus de l'immunodéficience humaine), le virus responsable du sida. Son rôle dans la découverte du rétrovirus est cependant discuté et il est en outre diagnostiqué par les sceptiques comme atteint de la « maladie du Nobel » (consistant pour un prix Nobel à se mettre à travailler sur des sujets où il n'a aucune compétence ou sur des théories pseudo-scientifiques), après avoir multiplié ses positions en décalage total avec les connaissances actuelles en termes de biologie et de médecine, et dépourvues de tout fondement scientifique solide[3].

Pour les articles homonymes, voir Montagnier.
Luc Montagnier
Luc Montagnier en 2008.
Fonction
Président
Fondation mondiale prévention et recherche SIDA
depuis
Biographie
Naissance

Chabris[1]
Nom de naissance
Luc Antoine Montagnier
Nationalité
 Français
Formation
Université de Paris
Activité
Autres informations
A travaillé pour
Institut Pasteur, Queens College
Domaine
Travaux sur le virus de l'immunodéficience humaine
Téléportation de l'ADN
Membre de
Académie des sciences
Buenos Aires National Academy of Medicine (en)
Académie nationale de médecine
Comité Maurice-Audin
Académie européenne des sciences et des arts
Organisation européenne de biologie moléculaire
Academia Europaea ()
Distinctions

Montagnier est professeur émérite à l’Institut Pasteur, où il dirige l’unité d’oncologie virale de 1972 à 2000, directeur émérite de recherche au Centre national de la recherche scientifique[4] et ancien professeur à l'Université de New York. Il est membre des Académies des sciences et de médecine. Marginal, il finit par faire l'objet de vives critiques, et même d'être accusé de charlatanisme dans les années 2000, affirmant que l'ADN émettrait spontanément des ondes électromagnétiques (justifiant au passage le traitement des personnes autistes à l'aide d'antibiotiques, le traitement du sida au Cameroun par l'alimentation et l'homéopathie, et proposant de pouvoir téléporter de l'ADN de la France vers l'Italie) et remettant au goût du jour les théories improbables de la « mémoire de l'eau » de Jacques Benveniste[5],[6],[7],[8],[9],[10].

En 2010, Luc Montagnier a annoncé qu'il fuyait le « climat de terreur intellectuelle » en France pour prendre la direction d'un nouvel institut de recherche en Chine à l'Université Jiaotong de Shanghai, où il poursuit ses recherches sur la formation dans l'eau de « nanostructures » induites par l'ADN[11],[12]. En 2012, alors que Montagnier est pressenti pour présider un laboratoire de recherches au Cameroun, 44 autres prix Nobel signent une lettre au président du pays pour dénoncer « [les solutions de Montagnier] qui n’ont aucun début de preuves scientifiques » et le prévenir d'« un impact désastreux sur la qualité du système de santé au Cameroun »[13]. En novembre 2017, lors d'une conférence aux côtés d'Henri Joyeux, Montagnier signe, selon le Figaro, « son arrêt de mort scientifique, après un lent naufrage » : en quelques semaines, plus d'une centaine de scientifiques condamnent dans une pétition ses propos irresponsables sur des risques supposés des vaccins[14].

Biographie

Luc Montagnier est issu d'une famille du Berry, fils unique d'un père expert-comptable et d'une mère au foyer[15]. Il poursuit de front des études de médecine et de sciences d'abord à Poitiers, où il a pour professeur Pierre Gavaudan, qui l'initie aux notions de biologie moléculaire, discipline alors naissante. À 21 ans il montre que les radiations jaunes sont responsables du phototaxisme du chloroplaste chez une algue, en utilisant des filtres colorés, un microscope et une caméra.

Puis, à Paris et à 23 ans, il est assistant à la Faculté des sciences de Paris. Il se perfectionne dans les méthodes de culture de cellules humaines en conditions parfaitement stériles. En 1957, la première description d'un ARN viral (celui du virus de la mosaïque du tabac) par Fraenkel-Conrat (en) et Gierer (de) et Schramm (de) détermine sa vocation : devenir un virologue grâce à l'approche moderne de la biologie moléculaire.

En 1960, il entre au CNRS puis effectue des stages en Grande-Bretagne, dans des laboratoires réputés de virologie. En 1963, à Carshalton, dans le laboratoire de F.K. Sanders, il découvre la forme réplicative des virus à ARN, en isolant une molécule infectieuse en double hélice d'ARN analogue à celle de l'ADN dans le virus murin encephalomyocarditis (en)[16]. C'est la première fois que l'on démontre qu'un ARN peut se répliquer comme l'ADN, en produisant un brin complémentaire. Il travaille ensuite à Glasgow où il montre que, chez le virus oncogène Polyomavirus, l'ADN nu seul comporte le pouvoir oncogène.

De retour en France, à l'Institut Curie, en collaboration avec P. Vigier, il étudie la réplication et la structure de l'ARN d'un rétrovirus, le virus du sarcome de Rous. Il démontre que ce rétrovirus intègre son patrimoine génétique dans l'ADN des cellules infectées.

En 1972, à l'invitation de Jacques Monod, il crée l'Unité d'oncologie virale dans le nouveau département de virologie de l'Institut Pasteur. Ses recherches vont alors porter en partie sur l'interféron et sur son rôle dans l'expression génétique des virus. En 1982, il découvre une nouvelle activité enzymatique associée aux mitochondries des cellules cancéreuses.

En 1975, il est rejoint par Jean-Claude Chermann et sa collaboratrice, Françoise Barré-Sinoussi, spécialisés dans la recherche de transcriptase inverse, qui s’attellent à chercher des rétrovirus infectant des humains.

Découverte du VIH

En 1983, c'est la découverte avec ses collaborateurs Jean-Claude Chermann et Françoise Barré-Sinoussi d'un nouveau rétrovirus humain, le Lymphadenopathy Associated Virus (LAV), maintenant reconnu comme le virus agent causal du sida. L'équipe qu'anime Luc Montagnier dès le début de cette découverte s'attache, dans des conditions difficiles, à caractériser ce nouveau virus et à démontrer son rôle dans le sida, notamment par l'étude de ses propriétés biologiques et la mise au point d'un test de diagnostic sérologique.

En 1986, le groupe de Luc Montagnier découvre à nouveau un second virus associé au sida en Afrique de l'Ouest[17], mais très différent du premier par ses séquences moléculaires.

Luc Montagnier est le premier chef du nouveau département « Sida et rétrovirus » de l'Institut Pasteur, à Paris, qu'il dirige de 1991 à 1997.

Par ailleurs, Luc Montagnier et ses collaborateurs démontrent que des mycoplasmes augmentent considérablement l'effet cytopathogène du virus. Cette observation est le point de départ d'une recherche encore en cours sur le rôle des cofacteurs infectieux dans la virulence et l'effet pathogène du virus, recherche pouvant conduire à de nouvelles approches thérapeutiques et vaccinales.

En 1993, il crée la Fondation mondiale prévention et recherche sida (FMPRS), sous l'égide de l'UNESCO. De 1997 à 2001, il est professeur et directeur du Centre de biologie moléculaire et cellulaire au Queens College de l'Université de New York (en).

Avec son collègue italien Vittorio Colizzi, Luc Montagnier participe à plusieurs conférences, notamment en Afrique, pour lutter contre la propagation du VIH.

Recherches et déclarations controversées

Téléportation de l'ADN et « applications » polémiques

Articles détaillés : Téléportation de l'ADN et Mémoire de l'eau.

Dans deux publications datant de 2009[18],[19] dans une revue dont il préside le comité éditorial[20], l'équipe de Montagnier décrit une propriété inédite de l'ADN d'agents infectieux, les bactéries dans un cas et le VIH dans l'autre : l'ADN induirait des nanostructures dans l'eau émettant des ondes électromagnétiques de basse fréquence après filtration, agitation et dilution.

De ces expériences, Montagnier émet l'hypothèse que des bactéries seraient impliquées dans l'autisme et d'autres maladies chroniques, que lui pourrait détecter avec sa méthode[21]. Présentées lors d'une intervention en 2012 à l’Académie nationale de médecine, ses déclarations font de nouveau scandale[22].

En 2015, l'équipe de Montagnier prétend enregistrer les signaux électromagnétiques que l'ADN émettrait, et pouvoir l'envoyer par mail à un laboratoire italien qui s'en servirait pour reconstituer à l'identique l'ADN « enregistré » dans un tube d'eau pure ainsi « informée »[23]. Cette expérience a valu au professeur d'être la « risée » du monde scientifique, qui a simplement ignoré ces résultats considérés comme « absolument invraisemblables »[24],[25].

Luc Montagnier admet se rapprocher des recherches et des thèses du docteur Jacques Benveniste. En décembre 2010, dans une interview à la revue Science il déclare : « On me dit que certains ont reproduit avec succès les expériences de Benveniste, mais qu'ils ont peur de les publier à cause de la terreur intellectuelle de la part de ceux qui ne les comprennent pas »[26]. Ces théories sont considérées comme étant le résultat de fraudes scientifiques ou d'artefacts expérimentaux.

Le sida

Dans le documentaire The House of Numbers de 2009 niant la relation de causalité du VIH envers le sida, Luc Montagnier a déclaré qu'avec un bon système immunitaire, épaulé d'une bonne nutrition antioxydante, l'organisme se défend mieux contre les attaques virales [27]:

« Je crois que c’est l’une des façons d’aborder le problème pour diminuer le taux de transmission. Je crois qu’on peut être exposé au VIH plusieurs fois sans être infecté de manière chronique. Si vous avez un bon système immunitaire, il se débarrassera du virus en quelques semaines. Et c’est cela aussi le problème des Africains : leur nourriture n’est pas très équilibrée, ils sont dans un stress oxydatif, même s’ils ne sont pas infectés par le VIH. À la base, leur système immunitaire ne fonctionne pas bien, et donc peut permettre au virus de rentrer dans l’organisme et d’y rester. »

En 2010, à l'âge de 78 ans, il est recruté dans le cadre de son projet par l'Université Jiao-tong de Shanghai, en Chine[28].

Papaye fermentée

En 2002, Montagnier propose au pape Jean-Paul II de guérir sa maladie de Parkinson à l'aide de gélules à base de papaye fermentée, dont l'effet antioxydant protégerait du vieillissement. Il déclare même, évoquant des essais non publiés, « On a essayé sur des patients atteints de sida, en Afrique, qui étaient sous trithérapie. Avec la papaye, leur système immunitaire se rétablissait beaucoup mieux », et que le produit miracle permettrait aussi de lutter contre l'alcoolisme. À l'occasion de la publicité offerte par ce chercheur, les pharmacies françaises se mettent à vendre différentes préparations à base de ce fruit fermenté[29]. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) est saisie en 2004 et rend un avis concluant qu'aucune démonstration de l'implication de la préparation de papaye fermentée n'est apportée et que toutes les vertus prétendues sont avancées sans preuves scientifiques et simplement diluées dans des considérations biologiques générales sur le système anti-oxydant, le vieillissement ou le système immunitaire[30].

Maladie de Lyme

En 2016, il se fait encore remarquer en proposant une approche pour le moins inédite  décriée et considérée comme insensée par la majorité du corps médical  qui permettrait prétendument de diagnostiquer la maladie de Lyme là où d'autres tests, plus traditionnels et d'ordinaire couramment pratiqués, auraient précédemment échoué à détecter la présence de bactéries borrélies reconnues comme étant les principaux vecteurs de transmission, s'effectuant généralement par le biais de morsures de tiques infectées. Le professeur Daniel Christmann, chef du service des maladies infectieuses du CHU de Strasbourg, réfute en bloc la pertinence d'une telle méthode qui consisterait à « capt[er] des ondes électromagnétiques émises par l'échantillon de sang étudié[31] ». Certains médecins prescrivaient à leurs patients de faire réaliser ce test en adressant leurs échantillons à feu la société Nanectis  créée en 2006[32], puis fermée en 2018 « à cause de charges salariales trop lourdes et de manque de capitaux[33] »  gérée, à l'époque, par Luc Montagnier[32],[33]. Les analyses auraient alors coûté à chaque patient entre 300 et 400 , à régler sous la forme d'un « don libre », c'est-à-dire en partie déductible des impôts[34].

Vaccins

Le 7 novembre 2017, il participe avec Henri Joyeux  ancien professeur de médecine à l'Université de Montpellier, radié par le Conseil de l'Ordre des médecins en 2016 pour un non-respect allégué du code de déontologie avant d'être réhabilité le 26 juin 2018 par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins [35], réhabilitation elle-même annulée par le Conseil d'État le 24 juillet 2019[36]  à une conférence de presse où il déclare être d'accord avec plusieurs arguments des anti-vaccins qui sont réfutés par la communauté médicale[37],[38],[39] :

  • les vaccins seraient responsables de morts subites du nourrisson et Montagnier déclare avoir « un dossier judiciaire américain concernant un bébé mort aux États-Unis après avoir été vacciné »
  • les adjuvants à base de sel d'aluminium seraient « responsables d’une tempête immunitaire chez le nourrisson »
  • le « paracétamol, que l'on donne aux nourrissons quand ils ont une réaction au vaccin, c’est du poison »

Une grosse centaine d'académiciens des sciences et de médecine co-signent une tribune à la suite de cet événement, qui considèrent que Montagnier « utilise son prix Nobel pour diffuser, hors du champ de ses compétences, des messages dangereux pour la santé, au mépris de l’éthique qui doit présider à la science et à la médecine ». Pour Le Figaro, Montagnier signe son arrêt de mort scientifique, après un « lent naufrage » depuis ses déclarations sur la mémoire de l'eau, ou celles sur les Africains et le VIH[14]. La presse publie des articles où les arguments de Montagnier sont réfutés un par un[39],[40],[41]. Par exemple, Montagnier déclare : « Certains enfants décèdent 24 heures après avoir été vaccinés. On a quand même le droit de s’interroger sur cette corrélation temporelle. C’est juste du bon sens. ». Robert Cohen, professeur de pédiatrie à l’Hôpital de Créteil, répond qu'il est simple d'expliquer cette corrélation temporelle : les premiers mois de la vie du bébé sont à la fois ceux où la mort subite est la plus fréquente, et ceux où on les vaccine. Il est donc naturel que, statistiquement, certaines morts subites aient lieu quelques jours après la vaccination[39]. Le magazine en ligne Slate.fr affirme qu'une étude anglaise de grande ampleur a été menée entre 1993 et 1996, dont la conclusion est celle-ci :

«Plus d’un tiers des morts subites inexpliquées sont survenues entre 2 et 4 mois, âges des vaccinations. Pour qu’il s’agisse plus que d’une coïncidence, il faudrait que la couverture vaccinale soit supérieure chez les enfants morts que chez les contrôles. Or, c’est le contraire qui a été constaté.»[41].

Sciences et Avenir fait remarquer qu'il existe aussi une corrélation temporelle entre les couches du bébé, les petits pots et la mort subite du nourrisson[40]. Luc Montagnier lui-même reconnaît que le lien de causalité entre les vaccins et la mort subite du nourrisson n'est pas prouvé[38].

Attribution du Nobel

Virus HIV fixé sur un lymphocyte vu en microscopie électronique (fausses couleurs, le VIH est en vert).

En janvier 1983, Willy Rozenbaum, un infectiologue travaillant à l’Hôpital de la Pitié-Salpétrière, prélève pour Jean-Claude Chermann un ganglion cervical chez « Bru », un jeune homosexuel de trente-trois ans qui présente des adénopathies suspectes depuis un mois, après avoir séjourné à New York en 1979 et y avoir eu de nombreux partenaires sexuels ; il meurt du sida en 1988.

Les lymphocytes du prélèvement sont mis en culture le jour même à l’Institut Pasteur par l'équipe de Luc Montagnier (l'équipe de Jean-Claude Chermann travaillant avec des rétrovirus contrairement au Dr Montagnier, pour éviter les risques de contamination) en présence d’IL-2 (qui stimule la culture des lymphocytes T) et de sérum anti-interféron (qui assure une bonne production de virus par les cellules). Après 15 jours de culture, Jean-Claude Chermann et Françoise Barré-Sinoussi, son assistante, détectent une faible activité transcriptase réverse. Cette enzyme est produite par les rétrovirus pour intégrer spécifiquement l'ADN de sa cible. Cette activité enzymatique persiste jusqu’au 26 janvier 1983, puis disparaît avec la destruction des lymphocytes. Jean-Claude Chermann verse le liquide de la première culture sur une nouvelle culture de lymphocytes, provenant d’un second donneur de sang. L’activité enzymatique réapparait avec ces lymphocytes, traduisant la reprise d'une activité virale du VIH. Ils concluent donc bien à un rétrovirus, mais celui-ci est différent des rétrovirus connus. En effet, le HTLV-1 ne détruit pas les cellules infectées. Et les anticorps anti-HTLV-1 fournis par Robert Gallo, le découvreur du rétrovirus, ne reconnaissent pas le nouveau virus.

Le 4 février 1983, le virus est vu au microscope électronique à la surface des lymphocytes par Charles Dauguet, à l’Institut Pasteur ; entouré d’une enveloppe, il ressemble davantage à un lentivirus qu’à un HTLV-1. Il est appelé LAV, pour Lymphadenopathy-Associated Virus, après avoir été isolé chez d’autres patients atteints d’un sida avéré et que son tropisme pour les lymphocytes CD4 ait été démontré.

La découverte est publiée dans le numéro de Science du 20 mai 1983, à côté d’un autre article de Gallo et Essex impliquant le HTLV-1 (renommé Human T-Leukémia virus) comme cause du sida[42].

En septembre 1983, Jean-Claude Chermann présente les résultats à Long Island, en apportant la preuve de l’existence d’anticorps anti-LAV détectés par un test ELISA mis au point à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard. Gallo conteste l’appartenance du LAV au groupe des rétrovirus, rapporte la présence du HTLV-1 ou d’anticorps anti-HTLV-1 chez des patients atteints du sida, et présente pour la première fois le virus HTLV-III (Human T-Lymphotropic Virus). C’est le début de la controverse.

À partir du HTVL-III isolé par culture entre le et janvier 1984, l’équipe de Gallo met au point un test sérologique positif chez 88 % des malades du sida. Cette souche n'est pas comparée au LAV, mais, en fait, il s’agit du même virus, appelé LAV/HTLV-III puis HIV (Human Immunodeficiency Virus) par une commission de nomenclature en 1986.

Le séquençage du génome de ce virus à ARN, réalisé dès 1984 à l’Institut Pasteur, montre qu’il est très variable en raison des erreurs commises par la transcriptase inverse lors de la réplication, or la souche du LAV isolée par Jean-Claude Chermann et celle du HTLV-III de Robert Gallo sont pratiquement identiques. Jean-Claude Chermann a envoyé son virus à Robert Gallo (à la demande expresse de Mikulas Popovic, collaborateur de ce dernier) dès le . Robert Gallo n’admettra jamais avoir triché, mais la polémique se terminera par un compromis relatif au partage des droits sur la mise au point du test sérologique de dépistage[43].

Luc Montagnier entre alors en jeu en tant que directeur de Jean-Claude Chermann pour défendre la découverte de l'Institut Pasteur. À l'époque, son équipe ne travaille pas sur les rétrovirus : c'est donc par son rôle de responsable administratif de Jean-Claude Chermann qu'il se retrouve lié à la découverte. Le conflit entre Luc Montagnier et Robert Gallo pourrait alors se solder par un accord stipulant que l'équipe américaine est co-découvreuse du virus. Mais Jean-Claude Chermann refuse de signer l'accord. Un an plus tard, forcé par Luc Montagnier, il signe et démissionne de l'Institut Pasteur. Luc Montagnier reprend alors les travaux de Jean-Claude Chermann.

La paternité unique des pasteuriens dans la découverte du virus sera ensuite définitive – bien que les travaux de Robert Gallo aient été essentiels pour la connaissance du virus – et confirmée par l'attribution du Prix Nobel de physiologie ou médecine le à Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, décision qui exclura le groupe de Robert Gallo de la découverte[44].

Si Luc Montagnier se présente comme le découvreur du virus, son équipe, en revanche, ne travaillait pas sur les rétrovirus en 1983. Pour corriger ce qui peut alors paraître comme une injustice, le président Nicolas Sarkozy promet de financer les travaux que Jean-Claude Chermann a poursuivi hors de l'Institut Pasteur[45]. Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi ont regretté de ne pas partager leur prix avec lui, alors qu'il était pourtant l'un des cosignataires de la publication de mai 1983 dans la revue américaine Science, où il rendait compte de la découverte du VIH[46].

Engagements publics

Dans sa jeunesse, Montagnier est communiste. Membre du PCF, pendant la guerre d'Algérie, il est à l'initiative, en 1957, avec Michel Crouzet, d'une pétition nationale au sujet de l'affaire Audin, disparition de l'universitaire Maurice Audin, arrêté, torturé et exécuté par l'armée française[47]. Il prend part à la création du comité du même nom[48].

Il lance le premier Sidaction aux côtés de Line Renaud en 1994[15].

Se disant agnostique[15], il milite pour que les religions ne refusent pas les apports des sciences. De façon plus large, il lutte contre les injustices, s'impliquant, par exemple, dans la défense des infirmières bulgares[15], accusées en Libye d'avoir inoculé le virus du Sida à leurs patients.

En 2008, il est entendu comme témoin, lors du procès de l'affaire de l'hormone de croissance, pour avoir rédigé en 1980 une recommandation sur le danger de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob[49].

Prix et distinctions

Luc Montagnier est lauréat de la médaille d'argent du CNRS et a reçu le Prix Albert-Lasker avec Robert Gallo et Myron Essex, en 1986, le Prix Louis-Jeantet de médecine en 1986, les Prix Galien et Korber[réf. nécessaire], le Prix de l'École de médecine de Salerne [réf. nécessaire] et le Prix Prince des Asturies de science avec Robert Gallo en 2000. Le , il est co-récipiendaire du Prix Nobel de physiologie ou médecine avec Françoise Barré-Sinoussi pour ses travaux sur le virus du sida, dont la « découverte a été essentielle à la compréhension actuelle de la biologie de cette maladie et à son traitement antirétroviral », selon le comité Nobel.

Il est grand officier de la Légion d'honneur depuis le [50] et commandeur de l'Ordre national du Mérite, membre de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie des sciences. Il est directeur de recherche émérite au CNRS et professeur émérite à l'Institut Pasteur.

Publications

  • Luc Montagnier, Des Virus et des hommes, Odile Jacob, , 300 p.
  • Luc Montagnier, Sida et société française, La Documentation française,
  • Luc Montagnier, R.Daudel, Le Sida, Flammarion, coll. « Dominos »,
  • Luc Montagnier, Les Combats de la vie, Jean-Claude Lattès,
  • Luc Montagnier, Michel Niaussat et Philippe Harrouard, Le Nobel et le Moine : dialogues de notre temps, Libra Diffusio,
Sélection d'articles
  • (en) Brule F, Khatissian E, Benani A, Bodeux A, Montagnier L, Piette J, Lauret E, Ravet E., « Inhibition of HIV replication: a powerful antiviral strategy by IFN-beta gene delivery in CD4+ cells. », Biochem Pharmacol, vol. 6, no 74, , p. 898-910
  • (en) Ahuja SK, Aiuti F, Berkhout B, Biberfeld P, Burton DR, Colizzi V, Deeks SG, Desrosiers RC, Dierich MP, Doms RW, Emerman M, Gallo RC, Girard M, Greene WC, Hoxie JA, Hunter E, Klein G, Korber B, Kuritzkes DR, Lederman MM, Malim MH, Marx PA, McCune JM, McMichael A, Miller C, Miller V, Montagnier L, Montefiori DC, Moore JP, Nixon DF, Overbaugh J, Pauza CD, Richman DD, Saag MS, Sattentau Q, Schooley RT, Shattock R, Shaw GM, Stevenson M, Trkola A, Wainberg MA, Weiss RA, Wolinsky S, Zack JA., « A plea for justice for jailed medical workers », Science, vol. 314, no 5801, , p. 924-5
  • (en) Gallo RC, Montagnier L., « The discovery of HIV as the cause of AIDS », N Engl J Med, vol. 24, no 349, , p. 2283-5
  • (en) Montagnier L., « Historical accuracy of HIV isolation », Nature Medicine, vol. 10, no 9, , p. 1235
  • (en) Gallo RC, Montagnier L., « Historical essay. Prospects for the future », Science, vol. 298, no 5599, , p. 1730-1
  • (en) Montagnier L., « Historical essay. A history of HIV discovery », Science, vol. 298, no 5599, , p. 1727-8
  • (en) Salamon R, Marimoutou C, Ekra D, Minga A, Nerrienet E, Huët C, Gourvellec G, Bonard D, Coulibaly I, Combe P, Dabis F, Bondurand A, Montagnier L., « Clinical and biological evolution of HIV-1 seroconverters in Abidjan, Côte d'Ivoire, 1997-2000. », J Acquir Immune Defic Syndr., vol. 2, no 29, , p. 149-57
  • (en) Moureau C, Vidal PL, Bennasser Y, Moynier M, Nicaise Y, Aussillous M, Barthelemy S, Montagnier L, Bahraoui E., « Characterization of humoral and cellular immune responses in mice induced by immunization with HIV-1 Nef regulatory protein encapsulated in poly(DL-lactide-co-glycolide) microparticles », Mol Immunol, vol. 8, no 38, , p. 607-18

Notes et références

Notes

    Références

    1. Article du magazine Le Point sur Luc Montagnier.
    2. Annonce des prix Nobel sur le site officiel de la fondation Nobel.
    3. (en) David Gorski, « Luc Montagnier and the Nobel Disease », (consulté le 16 septembre 2017)
    4. Site de l'institut Pasteur, consulté le 27 novembre 2010
    5. (en) Philip Ball, « DNA waves don't wash », sur Chemistry World,
    6. Andy Coghlan, "Scorn over claim of teleported DNA", New Scientist 12 January 2011, issue 2795
    7. PZ Myers, "It almost makes me disbelieve that HIV causes AIDS!", Pharyngula, 24 January 2011
    8. Editorial, "Why we have to teleport disbelief", New Scientist 12 January 2011, issue 2795
    9. « The Nobel disease meets DNA teleportation and homeopathy | ScienceBlogs », sur scienceblogs.com, (consulté le 15 septembre 2019)
    10. Eric Lombard, « Le Pr. Luc Montagnier a-t-il retrouvé la mémoire de l’eau ? », Ouverture - Le temps du citoyen, (lire en ligne)
    11. Radio France Internationale. Le professeur Luc Montagnier s'expatrie en Chine. mardi 7 décembre 2010.
    12. (en) Montagnier L, « Newsmaker interview: Luc Montagnier. French Nobelist escapes 'intellectual terror' to pursue radical ideas in China. Interview by Martin Enserink », Science, vol. 330, no 6012, , p. 1732 (PMID 21205644, DOI 10.1126/science.330.6012.1732, lire en ligne)
    13. (fr) Eric Favereau, « Les propos sur les vaccins de Luc Montagnier lui valent un tollé », (consulté le 16 septembre 2017)
    14. Damien Mascret, « Le lent naufrage scientifique du Professeur Luc Montagnier », Le Figaro, (consulté le 10 janvier 2018)
    15. Luc Montagnier, un combat pour la vie (2009), film documentaire écrit et réalisé par Valérie Exposito, coproduit par France Télévisions et Scientifilms, 52 min. Le film a été diffusé dans l'émission Empreintes sur France 5.
    16. (en) L. MONTAGNIER et F. K. SANDERS, « Replicative form of Encephalomyocarditis Virus Ribonucleic Acid », Nature, vol. 199, no 4894, , p. 664–667 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/199664a0, lire en ligne, consulté le 18 octobre 2018)
    17. (en) F. Clavel, D. Guetard, F. Brun-Vezinet et S. Chamaret, « Isolation of a new human retrovirus from West African patients with AIDS », Science, vol. 233, no 4761, , p. 343–346 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, PMID 2425430, DOI 10.1126/science.2425430, lire en ligne, consulté le 12 novembre 2017)
    18. (en) L. Montagnier, J. Aïssa, S. Ferris, J.-L. Montagnier and C. Lavalléee, Electromagnetic signals are produced by aqueous nanostructures derived from bacterial DNA sequences, Interdisciplinary Sciences: Computational Life Sciences, 2009, Volume 1, Number 2, p. 81-90
    19. (en) L. Montagnier, J. Aïssa, C. Lavallée, M. Mbamy, J. Varon and H. Chenal, Electromagnetic detection of HIV DNA in the blood of AIDS patients treated by antiretroviral therapy, Interdisciplinary Sciences: Computational Life Sciences, 2009, Volume 1, Number 4, p. 245-253
    20. Paul Benkimoun, « Des antibiotiques contre l'autisme ? », sur www.lemonde.fr, Le Monde, (consulté le 17 septembre 2017) : « Lorsqu'on lui demande pourquoi ses deux articles de 2009 ont été publiés dans une revue, Interdisciplinary Sciences : Computational Life Sciences, dont il préside le comité éditorial, Luc Montagnier répond que s'il avait envoyé son article à Nature ou Science, les experts "auraient sorti leurs revolvers." »
    21. France 5 - L'empire des sciences : On a retrouvé la mémoire de l'eau
    22. « Autisme et microbes : l’Académie de médecine se démarque du Pr Montagnier », sur https://www.sciencesetavenir.fr, (consulté le 14 avril 2016)
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    50. Le décret d'attribution.

    Voir aussi

    Bibliographie

    • Maxime Schwartz et Jean Castex, La Découverte du virus du sida. La vérité sur « l’affaire Gallo/Montagnier », Paris, Éditions Odile Jacob, , 208 p. (ISBN 978-2-7381-2288-9)
    • Nicolas Moinet, Les Batailles secrètes de la science et de la technologie », Paris, Éditions Lavauzelle, collection renseignement & guerre secrète, , 153 p. (ISBN 2-7025-0947-9)

    Articles connexes

    • Liste des Français lauréats du prix Nobel
    • Téléportation de l'ADN
    • Chronimed

    Liens externes

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